top of page

ANGELA PERA

487c7ee4b9a1acb2707951caaf6e3440.jpg

Patronyme : Pera

Prénoms : Angela, Clémence

Âge : 21 ans

Espèce : Humaine

Situation: Vendeuse en librairie le jour, barmaid le soir

Corps : 1m72, formes au niveau des fesses, cuisses et ventre. 

Cheveux : roux, ondulés, mi-longs

Yeux : noisettes 

Tatouages : un tatouage sous la clavicule gauche 

Bijoux: boucles d'oreilles fantaisies 

 

Etat physique : endométriose, légère myopie et léger astigmatisme, cicatrice sur l'épaule gauche. 

Etat psychologique : dépression, syndrome d'asperger, vertige, phobie des guêpes et frelons, hyperpagie boulimique.

On peut lire l'essence d'un être en le regardant, en le regardant bien, en surveillant ses gestes et ses tics, en observant, interprétant chaque détail de sa personne, de son style, de son visage. La démarche est particulièrement révélatrice. Et cette grande femme rousse à la peau rose marche comme si la rue lui appartenait, à grandes enjambées, perchées sur de hauts talons à plateforme. Elle n'a pas l'air gêné de dépasser d'une bonne tête toute la foule, et assume fièrement sa silhouette élancée, ses cheveux de flammes, qu'elle rehausse de tenues colorées, tailleur pantalon ou jupes longues à fleurs. Des tenues colorées, originales, lumineuses, qui malgré leur piètre qualité de prêt-à-porter bon marché lui donne des airs de gravures de mode. Elle court dans les rues, dans le métro, s'excuse avec entrain auprès de ceux qu'elle bouscule, elle sourit à tout-va, plaisante avec les inconnus, s'arrête près de ceux qui font la manche et salut les sans-abris - elle a été à leur place. Parfois même, quand elle a un peu de temps, elle s’arrête à côté de ceux qui mendient en musique, et les accompagne le temps de quelques chansons. Chaque jour que Dieu fait, elle travaille, à la caisse d’une vieille libraire de la rue Guy Lussac, et le soir venu, elle rejoint quelques mètres plus loin un bar, elle passe derrière le comptoir. Elle écoute avec plaisir les histoires que les consommateurs racontent sans se faire prier. Elle les interpelle tous de petits noms affectueux, les habitués comme les nouveaux venus. Elle parle fort et ponctue chaque phrase d’un juron. Mais dans son sac elle trimbale des livres de poésie, Eluard, Coleridge, Reverdy, Hugo, elle s'extasie devant les poèmes, les apprends par cœur à force de les lire et les récite à qui veut bien les entendre. Elle les récite sous la douche quand les autres chantent.

Sous son apparence de princesse émerveillée aux mille couleurs de la vie, se cache un rire rauque et grave. On dit d’elle qu’elle est douce, fantasque, un peu sauvage. Qu’il y a dans son regard, quand elle se tait, quelque chose qui met à nu. Que parfois sa voix se brise, quand elle rit. Elle parle fort et vulgairement. Quand elle boit, c'est à la bouteille, assise sur une table les jambes grandes ouvertes. Elle marche bien, oui, mais elle marche comme un homme dès qu'elle quitte ses talons. Elle rejette les épaules en arrière comme pour faire le coq. Elle est belle comme un accident d'bagnole, comme un poids lourd qui a plus les freins. Elle marche comme un homme, elle parle comme un homme, elle frappe comme un homme, et sans le moindre doute, elle baise comme un homme. Une femme forte, fière, heureuse, virile, avec des couilles en béton armé et un sacré paquet de cran pour se faire respecter par les gros durs qui viennent se saouler dans son bar. Elle a l’habitude de la baston. Face à un geste déplacé elle ne reste pas silencieuse : elle attaque. Elle a la langue agile, elle manie les insultes et les menaces avec aisance. Plus ses menaces sont originales et détaillées, plus elle est sérieuse. Je vais t’arracher la queue et te l’enfoncer si profondément dans la gorge qu’elle t’enculera de l’intérieur. Elle aime manier les barres de fer et les marteaux. Elle est sauvage, puissante, « brute de décoffrage ». Elle dit tout haut tout ce qu’elle pense, elle ne supporte pas les silences et les non-dits, les mensonges et les cachoteries, la bienséance hypocrite et les sujets tabous. Elle s’ennuie de cette société où tous se cachent derrière un masque. A force de vouloir ressembler à tout le monde on finit par ne plus ressembler à personne. Assise dans le métro, marchant cachée derrière ses écouteurs, tourbillonnant derrière son comptoir, levant le nez de son livre, elle observe. Elle observe les passants, les vivants, ceux qui se démarquent dans la foule, elle les admire, les rêve, en illumine son quotidien monotone. Elle gribouille leurs portraits maladroits et les pare de descriptions dont elle recouvre des piles entières de carnets.

​​​​​

On peut lire l'essence d'un être en le regardant. Et en regardant bien cette femme tout droit sortie d’un tableau fauviste, on y lit son immense fragilité. Derrière ses tenues multicolores affleurent les larmes, parfois même aux moments les moins opportuns. En pleine rue, dans le métro, en encaissant un client, voilà que ses joues se recouvrent de larmes, et elle a beau sourire, rire, rassurer tout le monde, non, je vous assure, tout va bien, les larmes continuent de couler. Des pensées bien sombres l’assaillent, telles des milliers d’aiguilles qui se fichent dans son cœur écorché. Autant de coups qu’elle s’assaille toute seule. Il ne s'est rien passé de spécial, aucun évènement particulier, aucune raison concrète de pleurer. Juste cette intime conviction, cette pensée horrible, qui la hante, la laboure de ses griffes acérées, la déchire tout entière, cette unique conviction qui peut se résumer par cette simple phrase : quelque chose cloche chez moi. Elle en est convaincue, elle le sait depuis toujours, elle en pleurait la nuit dans son lit quand elle était enfant, quand elle cherchait d’abord des mots moins violents, je suis une extraterrestre, mais qu’elle finissait inlassablement sur le même constat, personne ne me comprend.

Ce n’est pas qu’elle se déteste, et pour rien au monde elle ne voudrait être « comme tout le monde », se fondre dans la masse et se laisser mourir à petits feux. Elle aime ses cheveux flamboyants, elle se trouve joyeuse et enjouée, pleine de rêves, de projets, de passions ; elle se croit plutôt intelligente, plutôt douée dans ses divers loisirs, elle se trouve plutôt drôle et plutôt sincère, plutôt gentille et idéaliste, pleine d’espoir et avec beaucoup d’amour et d’attentions à revendre. Parfois elle se trouve même un peu supérieure aux autres. Mais il y a comme une dichotomie entre sa raison et ses émotions. Quelque chose cloche. Quelque chose ne va pas. Les gens ne m’aiment pas. Elle en est persuadée. Tant que les relations restent en surface, tant qu’elle s’efforce de tout son courage d’avoir l’air sociable, au point de parler trop, trop fort, trop honnêtement, au point de parler sans s’arrêter, tant qu’elle porte un masque, tout va bien. Mais dès que l’angoisse des premiers contacts s’efface, dès qu’elle agit au naturel, dès ce moment elle sent se creuser un fossé entre elle et les autres. Le moindre geste d’indifférence, la moindre absence de réaction, et elle s’imagine milles explications, milles raisons, dont une seule reste, stagne, s’étale, jusqu’à prendre toute la place : je dérange. Alors elle se tait, s’écarte, se renferme, s’isole. Elle n’a pas les mêmes rêves, elle ne vit pas dans le même monde que les autres. Ils parlent de leurs vies, et elle s’ennuie de ces sujets banals et sans folies et tout à la fois envie leur vie si remplie. Mais elle préfère la fiction – lire, regarder, écouter, récits, films, séries et chansons – l’inventer dans son esprit ou l’écrire. Elle est seule. Ses amis sont peu nombreux, pas d’amoureux. Il n’y en a jamais eu. Elle est pourtant immensément romantique. Elle s’émeut aux larmes pour les péripéties amoureuses qu’elle s’invente ou qu’elle regarde à la télé. Mais pour elle, personne. Personne ne l’a jamais regardé, personne n’a jamais voulu d’elle, et elle n’est pas sûre d’avoir jamais voulu quelqu’un. En vérité, elle n’a jamais aimé. Jamais assez fort pour appeler ça de l’amour. De l’affection, de l’attirance, un « crush ». Jamais rien de plus. Jamais rien qui lui ait donné envie de prendre un risque, de bousculer son quotidien, de faire l’effort de s’appliquer dans ce monde. Mais personne ne l’a jamais regardé, et elle se demande pourquoi. Les filles de son âge ont déjà eu plusieurs histoires, elle doute qu’elles aient aimer beaucoup plus fort qu’elle, la plupart des histoires de jeunes sont superficielles après tout. Pourquoi elles et pas moi ? Elle qui est idéaliste, rêveuse, qui croit au grand amour et aux fins heureuses, elle se dit qu'elle va mourir seule, vieille fille, sans personne pour la pleurer, qu'elle n'aura rien apporté au monde et que ce sera comme si elle n'avait jamais existé… Alors peu à peu elle se dit qu’elle s’est surestimée. Pour que le monde entier soit à ce point d’accord pour l’ignorer, quelque chose en elle doit aller de travers, elle doit être bizarre, désagréable, malséante, quelque chose chez elle doit sans doute mettre les autres mal à l’aise, mais quoi ? Personne ne lui dit rien, personne ne dit jamais rien et elle ne peut que conjecturer, se torturer l’esprit pour essayer de comprendre ce qui ne va pas, ce qui cloche… Il lui prend l’envie de crier, de hurler, de frapper…

​​

Alors elle mange. Elle mange à s’en goinfrer, à s’en donner la nausée, à s’en rendre malade, jusqu’à jurer qu’elle ne mangera plus jamais, et au repas suivant elle recommence, et elle se déteste plus encore de n’avoir pas eu la force suffisante pour se retenir. A force de s’étouffer avec sa frustration, elle en arrive à détester son reflet dans le miroir. Plusieurs mois déjà qu’elle n’entre plus dans les pantalons des grands magasins. Mais vous ne faites pas du 44, vous ! Répond une vendeuse bienveillante lorsqu’elle réclame sa taille. Ces mots se fichent dans son coeur comme énième flèche empoisonnée. Et ben si. Les ceintures la serrent, l’étouffent, lui compriment son ventre gonflé, les tissus la collent comme une seconde peau, elle arrache tout avec rage et soulagement le soir en rentrant. Elle a parfois l’impression que tout son corps est un bouton d’acné, et que si elle pressait suffisamment ce ventre qu’elle déteste, alors tout ce qu’il y a en elle de surplus de graisse, de sang et de gaz serait éjecté, répugnant sans doute, douloureux peut-être, mais qu’ensuite enfin elle pourrait respirer correctement, qu’enfin elle se sentirait légère, et non plus dans sa propre peau comme dans un jean trop serré. Pour avoir un semblant de confort elle renonce à l’esthétique, jusqu’au jour où même habillé son reflet lui donne envie de pleurer. Elle fuit les regards et anticipe sur les remarques que l’on pourrait lui faire. Personne ne lui a rien dit, elle les devance. 

Toutes ses angoisses sont absurdes. Elle le sait. Elle le sait parfaitement. Passée la crise de larmes, passée l’envie d’arracher sa propre peau avec ses ongles, elle oublie à quel point elle avait mal quelques secondes plus tôt. Non, j’ai exagéré. Pas la peine de se mettre dans cet état. Elle se trouve ridicule d’être tombée dans de tels excès. Après tout sa vie n’est pas si mal. Elle retourne à son quotidien chargé, à ses milliers de projets. Elle commence une nouvelle histoire, une nouvelle série, un nouveau projet au crochet, au tricot ou à la couture. Elle rêve de son avenir, du jour où elle aura assez économisé pour pouvoir travailler à mi-temps et reprendre ses études. Elle observe avec envie tous les étudiants qui sortent de la Sorbonne et passent dans sa rue. Elle rêve. Faire de la littérature, du théâtre, de la musique, de la danse, devenir chanteuse, actrice, éditrice, écrivaine, changer le monde, partir en humanitaire en Asie, tomber amoureuse, avoir une grande et belle famille… Et voilà que de nouveau ses doutes l’assaillent, la prennent à la gorge – ils ne sont jamais vraiment partis, il était là, refoulés, ignorés tant qu’elle pouvait se divertir l’esprit avec mille projets, mais au moindre moment d’inattentions, moindre instant d’introspection, voilà les larmes qui reviennent. Il faudrait que quelqu'un vienne briser le vase qui va déborder, mais qui ? Quand chaque compliment lui parait une exception. Oui, mais toi, c’est différent, tu me connais. Non, mais toi, tu ne peux pas comprendre, tu es brillant. Le salut ne viendra sans doute pas de l’extérieur. Il faut trouver une solution. Alors elle écrit. Elle met chacune de ses angoisses par écrit, elle les transpose, les sublime dans des métaphores, dans un personnage ou une fable. Faire de ses faiblesses une force. Mais ça prendra du temps, beaucoup de temps.

tumblr_p80q63N5Si1qcxtm5o7_400.gif
tumblr_p6mv2f1GGC1vd79lmo4_400.gif
66392086_1324298411080025_83198973365368
tumblr_p93snyJO5d1wbjvbso1_250.gif
giphy (1) (1).gif
db51140a736d9b4701904582b0f3dc5e.jpg
20f691bf-ae78-4c71-94c4-3bbe6d2c0e6c.gif
tumblr_o1xlarOjQP1u3bzgio1_250.gif

My  tongue  will  tell  the  anger  of  my heart,  or  else  my  heart  concealing  it  will  break nnn

bottom of page